Dubois Marie

Loiselay Christelle

Poignonec Denis

 

TIPE 1999

 

 

 

 

 

 

 

 

A la tombée de la nuit, les feuilles du haricot s'abaissent, et au lever du jour elles reprennent leur position haute. Nous avons montré que parmi les différents facteurs pouvant intervenir sur ce mouvement, la lumière jouait un rôle majeur. Les ondes bleues agissent sur la remontée des feuilles tandis que les ondes rouges interviennent sur la descente de celles-ci. Les mouvements ont lieu au niveau de structures renflées : les pulvini. Ils sont dus à des variations de turgescence des cellules parenchymateuses de ceux-ci. Les variations de lumière sont captées par des photorécepteurs de ces pulvini.

 

 


 

 

 

 

 

 

Introduction

 

Les végétaux, hormis quelques algues unicellulaires, sont fixés. Cependant, certains mouvements d’organes représentent un moyen pour le végétal de se positionner par rapport aux facteurs du milieu extérieur et constituent ainsi, pour des organismes fixés, une possibilité d’adaptation à des conditions variables.

Ainsi les feuilles du haricot sont animées de mouvements journaliers. On observe, à la tombée de la nuit, le passage d’une position haute (position de “veille”) à une position basse (position de “sommeil“) et réciproquement : il s’agit de mouvements nyctinastiques (du Grec Nyktos : nuit).

Les nasties sont des courbures ou des flexions d’organes en réaction à une variation du milieu extérieur, ce qui les distingue des tropismes qui impliquent une croissance dissymétrique sous l’influence d’un gradient du milieu.

Nous étudierons ces mouvements au niveau des deux premières feuilles (simples et opposées) du haricot commun Phaesolus vulgaris..

 

 

Quels sont les facteurs qui entraînent ces mouvements ?

Existe-t-il un facteur déterminant ?

Et quelles sont les structures qui interviennent dans ce mouvement ?


I.     Recherche des différents facteurs provoquant le mouvement

Nous avons réalisé ces expériences sur des jeunes haricots d'environ 4 semaines.

A.      Les techniques de mesures

Figure 1


Plutôt que de mesurer l’angle entre la feuille et son pétiole, nous avons choisi de mesurer la distance entre les deux pointes des feuilles opposées. En effet, il est plus commode et plus précis de mesurer une distance qu‘un angle.

 

Néanmoins, il subsiste une imprécision de l’ordre du millimètre.

B.      Mise en évidence de l’influence des différents facteurs

On observe que les feuilles s’abaissent à la tombée de la nuit. Or à ce moment, deux principaux paramètres varient : la température et la lumière.

Dans chaque expérience, un haricot, placé dans des conditions stables (lumière ambiante et température de 25°C), nous sert de témoin.

1.   La température

Protocole : à éclairement constant, nous avons fait varier la température de 25°C (température ambiante sous les lampes) à 15°C, au moyen d’un bac rempli de glace (Fig. 2). Nous avons pensé que cette variation de température de 10°C reflétait les variations moyennes de température en milieu naturel.

Résultat : en 1 h 30 , la distance d a diminué de 1 mm.

Interprétation : par comparaison avec la variation de distance obtenue dans l'expérience suivante (réalisée dans un laps de temps similaire), et compte tenu de la précision des mesures, cette variation n’est pas significative. La température n’influence donc pas – ou très peu – le mouvement des feuilles.

Figure 2


Remarque : chez le Haricot d’Espagne, une oscillation thermique entre 22°C et 17°C peut aussi entraîner un mouvement. (Cf. ¬). Ainsi toutes les espèces ne réagissent pas de la même façon aux facteurs externes. Nous avons donc réalisé toutes nos expériences avec des plants de haricots de Hollande.

 

2.   La lumière

Protocole : nous nous sommes intéressés au passage de l’obscurité à la lumière, car il est plus aisé de faire des mesures à la lumière que dans le noir. A température constante (25°C), nous avons placé sous lumière blanche des haricots qui étaient dans l’obscurité depuis plus de 12 h.

Résultat : nous observons une remontée des feuilles ; la distance entre ces deux feuilles est passée de 11,5 cm à 17,9 cm, soit une augmentation de 6,4 cm (55% de la distance initiale), sur une durée d'environ 70 minutes.

Interprétation : la lumière est donc le principal facteur intervenant dans les conditions naturelles. Il s’agit donc d’une photonastie.

II.    Etude particulière de la photonastie

A.      Etude expérimentale du redressement des feuilles à la lumière blanche

1.   Protocole d’étude

A température constante, on fait passer un haricot de l’obscurité à la lumière blanche.

Toutes les 5 min., on le photographie. La distance entre l’appareil photographique et le haricot reste constante au cours de l’expérience.

On projette les diapositives obtenues sur un tableau blanc. On repère les pointes des feuilles sur chaque diapositive. Ceci nous permet d’agrandir la distance et ainsi de diminuer l’erreur de mesure. En effet, on mesure la distance projetée avec une incertitude d’un millimètre. Par ailleurs, on mesure la taille réelle de la feuille et sa taille projetée, ce qui nous permet de déterminer le rapport d’agrandissement (´5). L’incertitude sur la taille réelle est donc réduite à 0,2 mm (1/5). De plus, les erreurs dues au contact avec le haricot sont de cette manière évitées.

2.   Résultats et interprétations

*     La comparaison des diapositives aux instants t = 0 et t = 1h10, nous permet de voir plus précisément à quel niveau s’effectue le mouvement :

Figure 3


 

 

 

 

Nous observons que a reste constant (en mesurant la distance entre les deux pulvini) et que seul b varie (Fig. 3 et Fig. 4).

Figure 4


Le mouvement a donc lieu au niveau de structures particulières situées à la limite entre le pétiole et la feuille. On y observe une zone plus verte et renflée : ce sont les renflements moteurs ou pulvini (indiqués par des flèches sur la Fig. 4).

On obtient le tableau et la courbe ci-dessous :

 

 
 


Figure 5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La distance d augmente très rapidement, et ce dès le début. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, il n’y a pas de temps de latence : dès la mise à la lumière, la distance augmente. Cependant, dans les conditions naturelles, le début de la courbe doit être différent : dans nos expériences, le passage de l'obscurité à la lumière se fait assez brutalement, alors que dans la réalité, il est plus progressif. Globalement, la remontée doit alors être plus lente. On observe également un plateau de saturation : en effet, les feuilles ne dépassent pas le plan horizontal.

 

 

B.      Influence des différentes longueurs d’onde

Nous avons testé expérimentalement l’influence de différentes longueurs d’onde sur la remontée des feuilles. Pour cela, nous avons fabriqué deux filtres, un rouge et un bleu, et nous avons vérifié à l’aide d’un spectroscope à main leur domaine d’absorption.

Figure 6


Nous avons utilisé trois pieds de haricots qui étaient dans l'obscurité et nous avons placé l'un sous lumière rouge, l'autre sous lumière bleue, et le dernier sous lumière blanche (Fig. 6).

 

Résultats

Distance d (Cf. Fig. 1) à t=0, en cm

Distance d (Cf. Fig. 1) à t=1h15, en cm

Pourcentage d'augmentation par rapport à la distance initiale

Lumière rouge

11,7

12,6

8 %

Lumière bleue

7,8

10,3

32 %

lumière blanche

11,5

17,9

55 %

Remarque : l'intensité lumineuse des lampes est supposée constante.

 

Il semble donc que les radiations bleues soient plus efficaces que les radiations rouges sur la remontée des feuilles. Il aurait été intéressant de renouveler cette expérience pour confirmer ce résultat, mais nous n'en avons pas eu le temps, car nos plants de haricots ont été contaminés par des champignons.

La remontée des feuilles ferait donc intervenir des photorécepteurs sensibles aux radiations bleues. Cependant on observe également une remontée des feuilles, certes nettement plus faible, à la lumière rouge. Ceci peut s'expliquer de deux façons :

-      les filtres n'étant pas parfaits, le filtre rouge laisse passer une petite part de radiations bleues

-      il y aurait d'autres photorécepteurs intervenant, dans une moindre mesure, dans la remontée dans feuilles, qui seraient sensibles à d'autres longueurs d'ondes.

Enfin, si les radiations bleues sont effectivement les radiations efficaces sur la remontée des feuilles, on peut se demander pourquoi les feuilles du haricot placées sous lumière bleue ne remontent pas autant que celles du haricot témoin placé sous lumière blanche. On pourrait envisager l'explication suivante: en raison du filtre, l'intensité lumineuse incidente est plus faible.

A l'inverse pour le passage de la position veille à la position sommeil, il semblerait que d'autres pigments soient impliqués. En effet, nous avons lu dans la bibliographie (Cf. ¬) qu'un éclairement rouge clair précédant l'obscurité, accélère la mise en sommeil alors qu'un éclairement en rouge lointain la retarde de plusieurs heures. Le passage à la position de sommeil ferait donc intervenir le phytochrome.

 

 

C.      Recherche du lieu de réception de la lumière

On peut se demander si la réception de la lumière se fait juste au niveau des pulvini ou au niveau de toute la surface foliaire. Pour répondre à cette question, nous avons réalisé l'expérience suivante.

On fait passer deux haricots de l’obscurité à la lumière, l’un étant le témoin, l’autre ayant ses pulvini peints en blanc (nous avons préféré peindre les pulvini plutôt que de mettre un cache, qui aurait pu gêner mécaniquement le mouvement). Alors que les feuilles du témoin remontent normalement, les feuilles du haricot aux pulvini masqués ne remontent pas. La réception de la lumière, qui entraîne la remontée des feuilles, se fait donc au niveau des pulvini.

 

III.  Le fonctionnement d’un pulvinus

Figure 7


A.      Comparaison d’une coupe de pétiole avec une coupe de pulvinus de haricot

 

Nous observons une anatomie particulière au niveau du pulvinus. D'abord, la morphologie est différente : dans le pulvinus, la gouttière est moins marquée. De plus, la disposition des faisceaux criblovasculaires diffère : dans le pétiole, ils sont périphériques, tandis que dans le pulvinus, ils occupent une position centrale. En conséquence, le parenchyme médullaire du pétiole est développé, alors que dans le pulvinus, le parenchyme cortical est le tissu le plus abondant. Il est constitué de grosses cellules à paroi fine et à vacuole turgescente.

B.      Mise en évidence des variations de taille des cellules

Nous avons pensé que le mouvement des feuilles pouvait être dû à des variations de tailles des cellules du pulvinus. Deux hypothèses se présentent alors : soit ces variations de taille sont dues à une auxèse des cellules, soit elles sont dues à des variations de turgescence. Comme il n'y a pas de délai entre l'exposition à la lumière et les mouvements observés, la seconde hypothèse semble la plus probable. D'autres auteurs ont confirmé ces résultats (Cf. ¬). En position haute, les cellules de la face inférieure sont gonflées alors que celles de la face supérieure sont moins volumineuses. En position basse, c'est l’inverse. Nous avons donc essayer de mettre en évidence ces variations de taille.

Nous avons fait des coupes transversales de pulvini en position basse puis en position haute : elles n’ont pas révélé de différences notables de taille des cellules. On en a déduit que ces variations devaient s'effectuer dans le plan tangentiel, mais nous n'avons pas pu l'observer. Celles-ci sont peut-être trop petites pour être visibles au microscope photonique.

C.      Les phénomènes osmotiques à l’origine du mouvement

Ces variations de taille des cellules sont dues à des variations de turgescence. Ces dernières ont été mises en évidence chez le haricot d’Espagne:

 

Pression osmotique, en bars

Jour

Nuit

Moitié supérieure

8,7

12,2

Moitié inférieure

14,1

9,4

D’après R. Heller (Cf. ¬)

 

Pour l’instant, on ne sait pas par quels mécanismes la lumière peut modifier la pression osmotique. On sait seulement que les variations de cette pression sont dues, pour l’essentiel, à des mouvements d’ions, surtout les ions potassium. La lumière bleue exciterait des récepteurs probablement situés dans les membranes plasmiques. L'activation de ces récepteurs stimulerait des pompes à protons qui, ainsi, accentueraient le potentiel de membrane, favorisant alors l'entrée des ions K+. Mais il se pourrait aussi que l’action de la lumière soit indirecte et s’exerce par l’intermédiaire d’une hormone de type auxine (qui elle aussi agit sur la pompe à protons). Ces hypothèses ne s’excluent donc pas (Cf. ¬).

 

Remarque : le rythme endogène du haricot

Nous nous sommes intéressés exclusivement aux facteurs externes provoquant le mouvement. Néanmoins, si l’on place un haricot dans un milieu constant (par exemple, avec un faible éclairement), les feuilles continuent à s’abaisser et à se redresser périodiquement. Il s’agit donc d’un phénomène endogène. Ceci a notamment été étudié par S. Mohr (Cf. ­) qui a obtenu le graphique suivant :

Temps (jour)


 

Dans l’exemple étudié par l'auteur, la période est de 27 heures (mais elle peut varier, selon les cas, autour de 24 heures, et elle est déterminée génétiquement). Si dans la nature, la période était de 27 heures, au bout de 6 jours, il y aurait un décalage de 18 heures entre le rythme interne du haricot et l’alternance externe jour/nuit. Or ce n’est pas ce que l’on observe. L’horloge interne est donc sans cesse remise à l’heure par les facteurs externes lorsque la plante est placée en environnement normal. Dans nos expériences, l’horloge interne ne jouait pas un rôle prépondérant et nous estimons que son influence est négligeable. En effet, en plaçant les haricots suffisamment longtemps à l’avance dans l’obscurité, on a pu obtenir, même en pleine journée, des plantes avec les feuilles basses.

 

 

 

Conclusion

 

On peut tout d’abord se demander quels sont les intérêts de ce mouvement pour le haricot. La position haute permet une exposition maximale aux rayons lumineux. Une hypothèse que l’on peut émettre sur l’intérêt de la position basse est la suivante : quand le temps est nuageux, les feuilles s’abaissent et ne constituent plus un obstacle à la pluie qui peut ainsi tomber directement à la base du haricot, où celui-ci pourra l'absorber. Cette position de sommeil pourrait aussi permettre de limiter les pertes de chaleur en réduisant la surface exposée. Ce mouvement serait donc une adaptation au milieu extérieur.

Par ailleurs, on peut noter une ressemblance avec les mécanismes d’ouverture et de fermeture des stomates. En effet, les mêmes longueurs d’ondes sont impliquées et on peut supposer que les photorécepteurs et les pompes qui interviennent sont les mêmes dans les deux cas.

Enfin, il faut noter qu’il existe d’autres types de nasties comme la thermonastie de la tulipe et la séismonastie de la sensitive.

 

 

 

 

Bibliographie

 

1.      HELLER R., Abrégé de Physiologie végétale, tome 2 Développement, édition Masson, 1999, p. 62 à 67

2.      MOHR S., Plant Physiology, Springer, 1994, p.111 et 112

3.      PILET P. E., Les mouvements des végétaux, 2ième édition, Que sais-je ?, n°569, 1927, p. 45 à 55

4.      TROCHET (Marquis du) H., Les mouvements des végétaux : du réveil et du sommeil des plantes, Paris-Gauthiers-Villars, 1921, p.72 à 80