Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Rennes

Département Halieutique

 

 

 

 

 

Sepia officinalis

Linnaeus 1758

 

 

 

 

 

Synthèse bibliographique

 

Delance Corinne

Poignonec Denis

 

Spécialisation halieutique

Année 2001 – 2002

 

 

 

Avertissement

Cette monographie est le résultat d’un travail réalisé dans le cadre d’une activité personnelle et n’engage pas la responsabilité de l’ENSAR



Introduction

 

Certains mollusques et en particulier des Céphalopodes comme la seiche sont des ressources bentho-démersales à haute valeur commerciale autour desquelles se sont développées des pêcheries industrielles et artisanales. Les seiches, mal connues, ont pourtant fait l’objet d’une exploitation et d’une consommation depuis l'Antiquité dans les pays méditerranéens et de l’Extrême Orient. Aujourd’hui, le développement de grandes pêcheries industrielles a introduit ce produit à de nouveaux consommateurs tout en répondant à une demande croissante des régions déjà consommatrices. Mais, la biologie, la dynamique de population des seiches, et en particulier de Sepia officinalis sont mal connues, ce qui ne facilite pas la gestion des stocks et de leur exploitation.

Enfin, au delà de la ressource alimentaire, l’intérêt scientifique de cet animal n’est pas négligeable, notamment en recherche biomédicale.

 

Systématique

 

Classe : Céphalopode

Sous classe : Coleoidea

Ordre : Sepioide

Famille : Sepiidae

Genre : sepia

Espèce : officinalis

(Grassé, 1989)

 

Noms vernaculaires français : casseron, chakod, chibia, margade, seiche, seppia. (www.fao.org)

 

Biologie

Morphologie et anatomie

 

Le corps se compose de deux parties : la tête et le manteau. La tête est munie d'une couronne de 8 bras entourant la bouche (garnis de 5 à 6 ventouses dotées d'anneaux chitineux par ligne transversale ; sur leur face interne, la ventouse du milieu est légèrement plus large que les autres) (Fig. 1 et 2). Elle comprend également deux tentacules rétractiles dans les poches, garnies de ventouses seulement à leur extrémité (massue tentaculaire). Chez le mâle Sepia officinalis, le quatrième bras gauche est modifié (réduction des ventouses) en hectocotyle (organe permettant d’introduire les spermatophores dans la cavité palléale de la femelle lors de l’accouplement) (Roper et al., 1984). La seiche porte latéralement deux grands yeux à pupille en W recouverts d’une membrane transparente. Le manteau, rayé, recouvre l'os calcaire ou sépion, coquille interne de ce mollusque. Ventralement, il recouvre la cavité palléale qui contient une paire de branchies (le fait qu’il n’existe pas de canal branchial entre les vaisseaux afférents et efférents est caractéristique de l’ordre des  Sepioidae), les émonctoires (anus, orifices urinaires) et l'orifice génital (fig. 1 et 2 ).

 

 

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Figure 1 : Morphologie externe de la seiche, vue dorsale (d'après Najaï, 1983, cité dans Boucaud-Camou, 1990)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Figure 2 : Coupe sagittale de la seiche (Boucaud-Camou, 1990)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le manteau est bordé d'une nageoire sur presque toute sa longueur. Les ondulations de cette nageoire permettent à l'animal de se déplacer à une allure lente et lui assurent une grande manœuvrabilité. En cas de danger, un déplacement rapide dit "à réaction" est provoqué par de puissantes contractions du manteau : l'eau dans la cavité palléale est expulsée au niveau de la fente du manteau, l'entonnoir. Ce type de nage est également très utile lors de la chasse. La réaction de fuite est souvent accompagnée de l'expulsion d'encre (sécrétée par la poche du noir). L'encre libérée dans le manteau est alors expulsée en même temps que l'eau. Il faut noter qu'en temps normal, seule la nageoire latérale est utilisée pour la locomotion, les contractions palléales ne servant qu'à faire circuler l'eau autour des branchies (Boucaud-Camou, 1990).

 

Le sépion est arrondi aux extrémités antérieure et postérieure, les bords latéraux étant parallèles (fig. 3). Le sépion est bordé d’une couche de chitine chez les adultes (Roper et al., 1984). Il est constitué d'un assemblage de chambres calcaires remplies de gaz ou de liquide. Ces stries d'accroissement du sépion reflètent les conditions de nutrition et non l'âge de l'animal. Cet "os" représente 9,3 % du volume corporel. En jouant sur le rapport liquide/gaz par un système d'excrétion/pompage actif de Ca2+ contenu dans les loges, la seiche fait varier sa flottabilité, ce qui lui permet de balancer la pression extérieure et de se maintenir sans difficulté à une même profondeur. Le maximum de travail osmotique pouvant être réalisé est de 24 bars ; l'animal descendant rarement en dessous de 200 m (21 bars). Quand à l'os, il est construit pour pouvoir supporter une pression de 25 bars (soit 240 m environ). C'est pourquoi les seiches ne fréquentent que des eaux relativement peu profondes.

 

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Figure 3 : Vues ventrale et latérale d'un sépion de seiche (Grassé, 1984)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Répartition

Distribution géographique et Ecologie

 

La seiche commune est une espèce benthique néritique qui préfère les fonds sableux et vaseux. On la rencontre dans les estuaires, les côtes ouvertes, les rias. Sa zone de préférence biologique est assez étendue : de la frange sublittorale aux zones infra et circalittorales. La distribution horizontale de la seiche est étendue au niveau des latitudes, mais restreinte au niveau de la longitude. L'aire de répartition de la seiche couvre une mince frange de la bordure orientale de l'Atlantique, mais s'étend des mers Baltique et du Nord jusqu'en Afrique du sud (fig. 4 ). La Méditerranée offre également de bonnes conditions pour le développement de l'espèce (F.A.O., 2000. URL n°3). Cet animal supporte une large gamme de température comprise entre 10 et 25 ° C comme l’indique sa large répartition en latitude. Enfin, la seiche supporte des salinités comprises entre 18 et 40 psu.

 

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Figure 4 : Distribution géographique de Sepia officinalis (F.A.O., 2000. URL n°3)

 

 

 

 

 

 

 

 

La distribution verticale est nettement plus limitée. Sa morphologie ne lui permet pas de descendre au dessous de 200 m, ce qui explique sa localisation le long de la frange néritique des océans, sur les larges plateaux vaseux continentaux. L'abondance est plus forte dans la zone des 100 m ; les plus grands individus pouvant descendre plus profondément. En dehors des périodes de reproduction, la seiche reste plus ou moins enfouie toute la journée et s’active dès la tombée de la nuit jusqu’au petit jour à la recherche de nourriture. Elle présente un comportement solitaire.

 

Migration

 

Les migrations saisonnières sont observables pour l'ensemble du stock de seiche. Ces migrations sont principalement des migrations verticales dans la colonne d'eau. Dans l'ouest de la Méditerranée, au début du printemps, de grands individus quittent les profondeurs où ils ont séjourné durant tout l'hiver, pour remonter dans des eaux moins profondes. D'un manière générale, les mâles précèdent les femelles d'environ une semaine. Ce groupe est rejoint par plusieurs vagues de petites seiches durant tout l'été. A la fin de la belle saison, en automne, les seiches redescendent dans des eaux plus profondes (F.A.O., 2000. URL n°3). La température est le principal facteur qui régit les migrations des seiches. Dans nos régions, elles se rassemblent dès le printemps dans les eaux littorales pour se reproduire ; en hiver , elles gagnent les eaux plus profondes entre 50 et 150 m.

Des migrations "horizontales" ont été observées. Sur les côtes du Sénégal, un schéma de migration "inshore-offshore" a été étudié par Bakhaykho et Drammeh (F.A.O., 2000. URL n°3). En Manche, où les eaux sont peu profondes, et les seiches à la limite septentrionale de leur répartition, il existe de véritables migrations qui les conduisent en hiver dans des eaux proches de l'Atlantique (Boucaud-Camou, 1990).

 

Cycle vital

Alimentation

 

La seiche est un prédateur qui se nourrit de proies vivantes : crustacés, poissons et céphalopodes dans l’ordre décroissant d’importance de la ration alimentaire. Ces animaux benthiques partagent le même habitat que la seiche. Mais le cannibalisme est aussi répandu en cas de “disette”.

En tant que prédateur, elle chasse à l’affût enfouie dans le sable. Le stimulus de l’attaque est visuel mais un système équivalent à la ligne latérale a été mis en évidence il y a une dizaine d’années (Budelmann et al., 1990, cité par Boucaud-Camou, 1990). Pour attaquer, la seiche déploie très rapidement ses tentacules, capture sa proie et la ramène vers sa bouche. Les crabes sont, quant à eux, attaqués par derrière et enveloppés par l’ensemble des bras (mode “ coiffage ”).

Une fois capturée, la proie est maintenue via les ventouses des tentacules jusqu’à ce que le venin injecté par les mâchoires fasse effet. La salive contient en effet des céphalotoxines qui facilitent l’immobilisation de la proie. Cette dernière est ensuite déchiquetée par deux puissantes mâchoires en bec de perroquet avalée.

Mais qu’elles soient au stade juvénile ou adulte, les seiches constituent elles mêmes des proies pour les requins, certains poissons démersaux, les sparidés ...

Les quantités ingérées pourraient représenter quotidiennement jusqu’à 10 ou 30 % du poids des juvéniles, ce qui ne paraît pas improbable au vu des forts taux de croissance (F.A.O., 2000. URL n°3).

 

Cycle de développement

 

Selon Mangold (Mangold, 1966, cité par Pinget, 1979) et Richard (Richard, 1971, cité par Pinget, 1979), la quasi-totalité des animaux ne se reproduit qu’une fois et meurt d’épuisement peu après. Le cycle se déroule sur un ou deux ans, rarement trois et la reproduction a lieu au printemps entre mars et juin.

La reproduction aurait lieu après le premier hiver  à l’âge de 12/14 mois pour les individus des pontes précoces (début du printemps), après deux hivers à l’âge de 18 mois pour ceux nés à la fin du printemps.

 

Reproduction

 

En période de reproduction (au printemps), les seiches se regroupent dans les eaux littorales peu profondes. Cette concentration rend alors possible une exploitation qui est plus difficile lors d’une grande dispersion (coûts d’exploitation trop importants). Le dimorphisme sexuel est alors plus prononcé : les mâles, en plus d’une taille plus grande et d’un bras hectocotyle différencié (sans ventouse à la base), arborent une parure nuptiale caractérisée par des zébrures transversales noires et blanches. Les femelles , plus petites et ventrues, restent ternes en période de reproduction.

Le mâle prend l’initiative de l’accouplement : quand il aperçoit une autre seiche, il se poste à côté d’elle, prend une coloration intense et étend un de ses bras ventraux vers sa partenaire. S’il rencontre un autre mâle, celui-ci se colore et les deux individus repartent chacun de leur côté.

 

Pour l’accouplement, le mâle saisit la femelle par la tête et dépose les spermatophores grâce à son bras hectocotyle dans une poche sous la bouche de la femelle. Les spermatozoïdes sont ensuite libérés et stockés jusqu’à la fécondation qui a lieu au moment de la ponte quelques jours après l’accouplement.

 

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Zone de Texte: Figure 4 : Mise en évidence du dimorphisme sexuel de la seiche avant l'accouplement (Boucaud-Camou, 1990)

 

 

 

 

 

 

 

 

Des oeufs de couleur noire sont ensuite pondus un à un et sont fixés en grappes sur des supports allongés (algues, tubes de vers) et forment ce qu’on appelle “ raisins de mer ”.

Les mâles peuvent porter jusqu’à 1400 spermatophores. La fécondité des femelles est fonction de leur taille et est de l’ordre de 150 à 4 000 œufs de grande taille (8 à 10 mm de diamètre).

 

Le développement

 

Le développement embryonnaire dure entre un et trois mois selon les régions, les conditions de température étant déterminantes (respectivement à 21,5°C et 15°C). En France, il faut compter entre un mois et demi et deux mois.

La vie de la seiche se décompose en deux grandes phases :

            ·une phase juvénile consacrée à la croissance des larves (adultes en miniature : 7-8 mm) dans les eaux littorales chaudes et riches en nourriture. Les larves, dès leur naissance adoptent un mode de vie benthique et sont rapidement capables de capturer de petits crustacés pour se nourrir... Le taux de croissance est fonction de la température et varie inversement avec la taille (Pascal, 1978, cité par F.A.O., 2000. URL n°3). En automne, elles atteignent la taille de “ recrutement ”

            ·une phase subadulte consacrée à la maturation sexuelle et une phase adulte à la reproduction. La maturation est en particulier longue chez la femelle qui synthétise une grande quantité de vitellus stocké dans les oeufs.

 

A l’âge adulte (18-22 mois), les animaux atteignent une taille de 20 à 30 cm de longueur dorsale du manteau pour un poids de 1 à 2 kg. La longueur maximale du manteau peut atteindre 45 cm pour un poids de 4 kg dans les eaux tempérées, contre une taille légèrement supérieure à 30 cm dans les eaux subtropicales. Les tailles communément rencontrées dans les pêcheries de l’ouest Sahara sont comprises entre 15 et 25 cm. A la première maturité, les femelles ont une longueur de manteau de 13.5 cm contre 12 à 14 cm pour les mâles.

 

Exploitation

Quelques chiffres

 

La production mondiale de seiche commune (Sepia officinalis) fluctue entre 8 500 t et 14 000 t dans les trente dernières années, avec des pics à 16 et 18000 t (fig. 6). En 1999, les prises totales étaient de 14 638 t (0.4 % de la production de Céphalopodes ; Production de Céphalopodes = 4 % de la production mondiale de la pêche en mer) dont 6 622 t produites par la Tunisie et 3 123 t par la Grèce.

 

Mais ces chiffres sont assez délicats à interpréter puisque la distinction entre les espèces de seiche et même parfois entre Céphalopodes n’est pas toujours faite. En particulier, en 1981, les prises rapportées totalisaient 12 800 t capturées exclusivement par l’Italie en Méditerranée (Zone de pêche 37, FAO, 1983, cité par F.A.O.,2000. URL n°3) auxquelles venaient se rajouter des captures non identifiées en Afrique de l’Ouest (Zone de pêche 34, F.A.O., 1983 cité par F.A.O.,2000. URL n°3) que l’on pense être en majorité constituées de Sepia officinalis (29 100 t).

 

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Zone de Texte: Figure 5 : Evolution de la production totale de Sepia officinalis  (F.A.O., 2000.  URL n°3)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Qui pêche où et comment?

 

Sur les côtes atlantiques européennes, la pêche est pratiquée de manière artisanale en France, Espagne et au Portugal.

En Méditerranée, la seiche représentait un des tonnages les plus importants parmi les Céphalopodes dans les années 70.

Sur les côtes atlantiques africaines, (principalement au niveau de la Mauritanie, du Sahara occidental et dans le Golfe de Guinée), les Céphalopodes font l’objet d’une pêche dirigée importante (calmar, seiche, poulpe). La seiche constitue une part non négligeable des captures de cette pêcherie industrielle essentiellement fréquentée par des bateaux asiatiques (Japon, Corée), espagnols et africains. Ces dernières années, la part des captures des japonais dans l’Ouest africain a largement diminué au profit des pêcheurs marocains de plus en plus nombreux  et installés seulement depuis 1980.

La pêche artisanale au casier de la seiche pratiquée depuis l’Antiquité est une pêche ciblée sur des animaux au comportement grégaire qui se concentrent en période de reproduction dans les eaux littorales. La pêche au miroir ou à la femelle utilisent l’attraction des mâles vis à vis des femelles (Briantais, 1974, et Worms, 1978, cités par Boucaud Camou, 1990). La pêche industrielle utilise des chaluts de fonds. La pêche peut être ou non monospécifique. Elle se pratique soit avec de gros chalutiers pêche arrière ou avec une petite flotille autour d’un bateau usine où les captures sont congelées.

Les casiers et les nasses attirent les femelles qui viennent déposer leurs oeufs, parfois sur des branches mises dans les casiers pour servir de support de ponte (Bakhayokho et Ito, 1990, cités par Boucaud-Camou, 1990).

 

Conséquences de cette exploitation

 

Dans les pêcheries industrielles et artisanales, la seiche commune peut être capturée au chalut en tant que prise accessoire avec des poissons démersaux, ou en tant que espèce cible. Les poissons rejetés sont parfois très nombreux. En 1976, 63 % des prises accessoires de seiche étaient rejetées par les chalutiers espagnols en Afrique de l’Ouest incluant 90 espèces différentes (sparidés, maquereaux, poissons plats, raies électriques, vives) impliquant un fort taux de mortalité par pêche.

En France, ces prises semblent minimes en pêche artisanale (Pinget, 1979).

La pêche au casier engendre également un autre type de problème assez préoccupant quant à la conservation de la ressource “ seiche ” : en effet, les femelles trouvent sur les casiers, un support de ponte. Le nombre moyen d’œufs par casier est de 300 en Baie de Vilaine avec une densité d'œufs variable de 0 à quelques milliers selon les casiers (Pinget, 1979).

Ainsi, la mise à terre des quelques 6500 casiers (pour éviter qu’ils ne pourrissent) engendrerait une destruction totale de près de 2 millions d’œufs.

 

La pêche en France

 

La pêche au chalut de la seiche est pratiquée en Baie de Saint Malo notamment avec un maillage de 800 mm (en maille étirée).

La pêche au casier (fig.7 ) s ’exerce dans de nombreux secteurs du littoral français : les côtes du Cotentin, le Golfe Normano-breton représentent un tiers des captures françaises (Boucaud-Camou, 1990), en baie de Saint Brieuc, de Lannion, le littoral morbihannais, les côtes vendéennes, dans le bassin d’Arcachon et traditionnellement en Méditerranée.

 

La répartition des apports varie au cours de l’année selon les ports, ce qui s’explique par les migrations de la seiche :

            · en hiver, elle est pêchée au large entre 50 et 100 m de profondeur par les chalutiers hauturiers (Manche Ouest et Golfe de Gascogne ) d’où des débarquements dans les ports hauturiers atlantiques,

            · au printemps et en automne lors de la migration, elle est capturée par les petits chalutiers côtiers ou aux casiers (débarquement dans les ports côtiers de l’Atlantique et de Méditerranée).

 

 

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Figure 6 : Pêche au casier (Anonyme, 1996. URL n°1)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gestion des stocks

 

La seiche est largement exploitée voir suexploitée dans certaines régions. Aussi, les niveaux de capture actuels pourraient être maintenus ou même augmentés avec une réduction de l’effort de pêche (Caddy, 1981 cité par F.A.O., 2000. URL n°3).

Ainsi, se pose le problème de gestion des stocks. Mais la difficulté vient du fait que les modèles applicables aux poissons ne le sont pas forcément chez les Céphalopodes du fait des particularités de leur dynamique des populations (âge difficilement évaluable avec certitude, étalement des périodes de reproduction ne facilitant pas la distinction des cohortes, courte durée de vie engendrant des fluctuations importantes et imprévisibles des stocks, résilience non connue, pêche sur quelques cohortes...). Néanmoins, des mesures d’aménagement des pêcheries ont été envisagées dans certains pays comme le Maroc.

Les biologistes des pêches sont cependant unanimes sur les mesures à prendre, elles concernent :

            · la protection des oeufs (collecteurs d’œufs dans les zones de ponte et de pêche, par exemple en laissant à l’eau les casiers les plus chargés en oeufs jusqu’à éclosion, établissement de zones protégées),

            · la protection des juvéniles (maillage du chalut et restriction saisonnières ou géographiques)

 

Dans certains pays, une amélioration des techniques de pêche apparaît nécessaire pour augmenter le rendement ou rendre la pêche plus sélective. Au Sénégal, les casiers ont été perfectionnés (Bakhayokho et Ito, 1990, cités par Boucaud-Camou, 1990). La pêche artisanale utilise déjà une grande variété d’engins hautement sélectifs comme les pots, les casiers...

 

Aquaculture

 

Parmi les Céphalopodes, la seiche apparaît être le meilleur candidat à l’aquaculture commerciale du fait d’un prix de vente élevé, d’une taille importante (20 cm) atteinte en 15 mois, il s’agit, de plus, d’un animal benthique et robuste qui peut supporter des densités élevées.

Le principal problème à résoudre pour rendre un tel élevage rentable, est celui de la nourriture qui passe obligatoirement par la mise au point d’un aliment artificiel (Boucaud-Camou, 1990). Des essais ont été effectués au Japon et en Italie  et ont été des réussites sur le plan technique mais pas sur le plan économique. Dans le sud de l’Italie, il s’agissait d’essais d’aquaculture semi-extensive et extensive en milieu lagunaire sur des petites seiches (4 à 6 cm de longueur dorsale de manteau) plus appréciées et vendues 2 à 3 fois plus chères. Celles-ci pourraient offrir un débouché intéressant aujourd’hui où les seiches d’élevage ne peuvent rivaliser avec les seiches de pêche en terme de rentabilité. Les aquariophiles et les chercheurs seraient également preneurs.

 

 

 

Transformation

 

La première étape de la transformation a lieu à bord des bateaux. Elle consiste à entreposer les seiches dans des caisses de débarquement en plastique. Des études ont été réalisées pour déterminer l’importance des transformations réalisées à bord pour la conservation de la qualité des seiches (Anonyme, 1996. URL n°1). Les expériences réalisées ont montré que la membrane des seiches est suffisamment robuste pour supporter d’être mises directement dans de la glace (à condition que celle ci ne soit pas "polluée" par l'encre de la poche du noir, conséquence d'une manipulation peu délicate des animaux). De plus, cette opération de mise en glace est la plus efficace pour préserver la qualité des seiches de 9 à 10 jours. A l’inverse, le processus d'éviscération à bord n'apporte rien quand au maintien de la qualité de la seiche. De plus, ce procédé est difficilement réalisable à bord, compte tenu de l'anatomie relativement complexe de l'animal (Anonyme, 1996. URL n°1).

 

La seiche peut se vendre en noir (produit brut sans aucune préparation) ou en blancs (seul le manteau est conservé, les tentacules, la tête, les viscères, la peau et le sépion sont éliminés) directement sur les marchés. Elles sont très souvent congelées entières (en noir ou lavées) ou en blancs, soit directement sur les bateaux usines, soit sur les lieux de production (ce qui est toujours le cas en France où la pêche de la seiche reste artisanale).

La préparation "à l'italienne" consiste à éviscérer l'animal, à retirer l'os et les yeux et à ôter la peau avant la congélation. Cette transformation particulière correspond aux exigences de la clientèle italienne.

La seiche se conserve assez facilement. La conservation favorise même le ramollissement des tissus musculaires par rupture des fibres, ce qui la rend plus agréable à consommer. Les seiches sont généralement coupées en morceaux adaptés à la taille de la boite de conserve et accommodés avec différentes sauces. L'Espagne est le principal producteur de ce type de conserves.

La seiche est consommée séchée au Japon ou dans d'autres pays asiatiques. En Asie, on utilise également la glande digestive et les gonades fermentées. On emploie aussi la seiche crue pour en faire du "sashimi".

Alors qu'en Europe les déchets (sépion et viscères) sont rejetés, ils sont utilisés au Japon pour l'oisellerie, l'alimentation pour animaux, la teinture, les cosmétiques, …

Ainsi, les parties consommées sont essentiellement le manteau ou blanc (produit de très haute digestibilité pour lequel on estime sa valeur nutritive à 85%) et la chair. Celle-ci est riche en protéines (15-20%), pauvre en lipides (environ 1%) et en glucides (moins de 1%). Elle est également riche en potassium et en phosphore. Enfin, elle constitue une bonne source de vitamine B (Boucaud-camou, 1990).

 

Commercialisation et marché

 

Il faut tout d'abord noter qu'il y a une grande différence entre les pays producteurs et les pays consommateurs.

Selon la FAO, la Corée arrive en tête des pays producteurs de seiche (38000 t, toutes espèces confondues), suivi de la Thaïlande (23000 t) et de Taiwan (19000 t). Non loin derrière, l'Espagne (18000 t) et l'Italie (13000 t) sont pratiquement à égalité avec le Japon (13000 t) et le Vietnam (12000 t). Les autres producteurs importants sont la France et le Yémen, avec quelques 10000 t chacun (Renard, 1992).

Les deux grandes zones de consommation sont :

·          l'Asie du sud-est, qui représente 70% de la consommation mondiale (le Japon consommant pour sa part 45% de la production mondiale de céphalopodes et les autres pays d'Asie 30%).

·          les pays méditerranéens, l'Espagne et l'Italie comptant parmi les plus grand importateurs de cette zone. Suivis, dans l'ordre des principaux importateurs mondiaux, par la France et Hong-Kong.

Les principaux exportateurs sont la Nouvelle-Zélande, la Thaïlande, l'Espagne, la Mauritanie et la Pologne.

 

Le marché japonais est particulièrement demandeur de grosses seiches. Il porte essentiellement sur des seiches fraîches, réfrigérées ou congelées, et, pour une plus faible part, sur des produits salés et séchés ou en saumure. Si, près de la moitié des importations japonaises de seiche proviennent des pays de l'Asie du sud-est, l'Afrique constitue également une source importante d'approvisionnement. La Thaïlande et le Maroc seraient en effet les principaux fournisseurs du pays.

Au niveau européen, les marchés italiens et espagnols constituent un important marché pour la seiche de petite taille. L'Espagne réalise 70% environ de ses achats auprès des pays africains, de la Corée du sud et du Panama, 20% étant fournis par l'Inde et divers pays asiatiques et une petite partie par la France. La principale force de l'Espagne est son importante industrie de transformation de la seiche. C'est pourquoi elle importe surtout de la seiche entière en noir.

La France quant à elle, importe principalement des produits destinés aux industries des plats préparés, et dans une moindre mesure, à la grande distribution. Elle s'approvisionne pour près de 70% en Thaïlande, le reste provenant de l'Inde, du Sri-Lanka, de la Côte d'Ivoire, de la Tunisie et de l'Italie. Il s'agit principalement de blancs de seiches de petite taille qui conviennent particulièrement, par leur goût et leur texture, aux plats préparés. N'ayant pas de tradition de transformation, le marché français est surtout demandeur de produits semi-élaborés, prêts à l'emploi, que ce soit pour l'industrie ou pour la vente au détail.

 

                Enfin, ce céphalopode est aussi utilisé pour la recherche : ce sont des modèles biomédicaux très prometteurs. Les neurobiologistes les utilisent pour leur cerveau, leur système nerveux (comme les axones géants) et leurs organes des sens. (Lee, 1985. URL n°4).

 

Conclusion

 

La seiche, Sepia officinalis, animal bentho-demersale, est une espèce péchée depuis longtemps. Sa grande valeur commerciale a poussé les scientifiques a étudier en profondeur cette espèce peu connue jusqu'alors. C'est une espèce à large aire de répartition, ayant un taux de fécondité élevé. De plus son cycle de développement et sa durée de vie entraînent une variabilité de la biomasse relativement importante d'une année sur l'autre.

 

Sepia officinalis est principalement péchée sur les côtes atlantiques de l'Europe et de l'Afrique, ainsi que dans la Méditerranée. La pêche, principalement artisanale, se fait au casier et au chalut. Les différentes pêcheries alimentent l'énorme marché asiatique, gros consommateur de ce produit dont le prix sur ces marchés est très élevé. Cette forte demande asiatique en produits bruts et transformés ont amené les scientifiques à développer l'aquaculture de la seiche. Les résultats obtenus semblent prometteurs pour l'avenir de ce produit. Il reste aussi a prendre en compte un stock dont la dynamique des populations de cette espèce est encore très mal connue.

 

 

Bibliographie

 

BOUCAUD-CAMOU E., 1990. La seiche, un animal d’avenir. La pêche maritime, 1342, 321-329.

 

GRASSE P., 1989. Traité de zoologie. Céphalopodes. Masson, 5 (4).

 

PINGET R., 1979. Exploitation de la seiche et de la crevette grise en Baie de Vilaine. Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Rennes, Rennes, 43p. (Mémoire d’ingénieur agronome halieutique: Rennes, 1979).

 

RENARD C. ,1992. Seiche : développer le marché français. Produits de la mer, 12, 36-39.

 

ROPER C.F.E., SWEENEY M.J. et NAVEN C.E., 1984. Cephalopods of the world. An annoted and illustrated catalogue of species of interest to fisheries. FAO Fisheries Synopsis, 125 (3), 277p.

 

Document URL

 

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2. DAY C. Latitude and Longitude Data for Sepia (Sepia) officinalis, [en ligne] . http://www.cephbase.dal.ca/spdb/latlong.cfm?CephID=9 (Page mise à jour le 14 septembre 2001)

 

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Pour en savoir plus :

 

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